mardi 29 mai 2012

Errances Féministes



Toutes les élections présidentielles ont leurs faux débats et leurs faux scandales. Celle que nous venons de vivre ne fait pas exception. On peut même dire que cette fois-ci nous avons été particulièrement bien servis puisqu’aux déblatérations des uns et des autres sur la viande halal s’est ajoutée la censure par le Conseil Constitutionnel de la loi pénalisant le harcèlement sexuel.

Sur le fond il n’y a pas grand chose à en dire. La loi, telle qu’elle avait fini par être rédigée, était tellement vague qu’elle permettait de faire condamner n’importe qui pour n’importe quoi. J’aurais même pu attaquer la haridelle qui, un soir de quatorze juillet, m’a abordé quatre fois de suite avant de me couvrir d’injures parce que je ne lui avait pas payé une bière.

Cette censure était d’ailleurs souhaitée par les associations de victimes, même si elles ont regretté que son effet soit immédiat. Ce n’est pas mon cas. Un vide juridique, d’ailleurs relatif au vu des dispositions du Code du Travail, est de loin préférable au calvaire qu’aurait subi notre pauvre haridelle, certes laide, stupide et vulgaire, s’il m’avait pris la fantaisie d’appliquer cette loi absurde à la lettre.

Ce qui est intéressant, cependant, ce n’est pas l’abrogation en elle même, ni le cafouillis législatif dont elle est la conséquence, mais la réaction des associations féministes. Elles ont qualifié cette décision de révoltante et ont manifesté en nombre (une grosse dizaine) devant le siège du Conseil Constitutionnel. Yvette Roudy, ancienne ministre de François Mitterrand s’est même fendu d’une tribune dans le monde où elle contestait la légitimité de la décision en question, basée, rappelons-le sur la Déclaration des Droits de l’Homme.

C’est d’autant plus ironique que c’est sous la pression des associations que la loi, au départ cohérente, est devenue le monstre juridique que l’on sait.

Une nouvelle loi sera sans aucun doute prochainement votée et on peut espérer qu’elle sera rédigée à peu prés correctement. Le harcèlement, sexuel ou autre, est un délit grave et un fléau social qu’il convient de réprimer sévèrement. Au delà de l’anecdote, cependant, ce que cette affaire met en lumière, c’est la dégénérescence du féminisme.

Lorsqu’il est né autour d’Olympe de Gouge en France et de Mary Wollstonecraft en Grande Bretagne, le féminisme avait pour but de faire reconnaître les femmes comme des êtres humains à part entière, et ce à une époque où les droits des femmes étaient plutôt en régression. Le droit de vote des femmes n’était, en effet, pas étranger à l’Europe de l’ancien régime. Ainsi, entre 1718 et 1771 les femmes pouvaient participer aux élections suédoises, tant locales que nationales, pour peu qu’elles appartiennent à une guilde et payassent des impôts.

D’une manière générale l’industrialisation et la généralisation du mode de vie bourgeois se sont traduits par une régression de l’influence des femmes à la fois dans la vie intellectuelle – la disparition des salons – et dans la vie économique. Elles ont, en effet, au même titre que les hommes, d’ailleurs, été dépossédées de leur métier et transformées en simples rouages de la nouvelle économie industrielle, notamment dans l’industrie textile.

Cette dépossession s’est d’ailleurs accentuée dans les années cinquante avec la dislocation de la sphère domestique et l’apparition de la femme au foyer. En effet, et contrairement aux clichés machistes, les femmes étaient auparavant très impliquées dans l’économie, même si ce n’était pas nécessairement l’économie monétaire. Seule la bourgeoisie pouvait se permettre de maintenir ses femmes dans l’oisiveté.

Comme le fait remarquer John Michael Greer :

Alors que les troupes rentraient à la maison, le gouvernement et l'industrie ont fait tout leur possible pour chasser Rosie la Riveteuse de l'usine et la transformer le plus vite possible en Suzy la mère au foyer, afin de libérer des emplois pour des millions de soldats démobilisés. Dans le même temps, la quête de marchés pour alimenter l'expansion de l'économie de consommation et donner des emplois à ces mêmes millions jeta l’économie monétaire à l’assaut de l’économie domestique..

La propagande d'après-guerre – le mot «publicité» est trop doux pour les campagnes de saturation qui ont inondé les médias populaires dans les années 1940 et au début des années 1950 – présentait les familles de la classe moyenne comme un idéal d'opulence dans lequel, les produits de consommation les plus modernes remplaçaient la routine terne de l'économie domestique par une vie d'élégance et de loisirs. La réalité derrière la façade s'est avéré être beaucoup moins agréable. Chassées à la fois de l'économie de marché où elles avaient été très présentes pendant les années de guerre, et de l'économie domestique que leurs mères avaient tenue auparavant, des millions de femmes américaines des classes moyennes ont mené une existence purement décorative et sans objet.

Le problème du féminisme tient à ce qu’il a gagné l’essentiel de ses batailles, politiques au début du vingtième siècle avec la progressive généralisation du vote des femmes, puis sociétales au cours de la seconde moitié de ce même siècle. Certes il subsiste des différences statistiques, mais ils correspondent aux choix, voire même aux désirs, des intéressées, et si ces choix et ces désirs sont socialement contraints, cela ne les rend pas pour autant illégitimes, pas plus que leurs conséquences, volontaires ou non.

Son succès a posé au féminisme des problèmes que pour l’essentiel il n’a pas su répondre, comme le fait remarquer Greer :

De nombreuses injustices furent corrigées, ou du moins contestée, et des rôles sociaux qui étaient devenus désespérément restrictif pour les femmes comme pour les hommes ont subi une réévaluation bien nécessaire. Pourtant, alors que le féminisme des années soixante et soixante-dix diffusait dans la culture populaire, il a subi dans une certaine mesure le sort de tous les mouvements sociaux progressistes dans l'Occident moderne: au lieu de remettre en cause le système des privilèges masculins, et les présupposés qu'il sous-tend, de nombreuses femmes qui se considéraient féministes ont simplement cherché à s’approprier des positions de privilège dans le système existant.

Le succès même du féminisme a eu toute une séries de conséquences néfastes, à la fois pour le mouvement, ou du moins la perpétuation de ses idéaux, et pour les femmes en général.

La première est bien sûr la montée en visibilité et en influence du radicalisme. Le féminisme a toujours eu une frange extrémiste, que ses adversaires considéraient comme représentative de l’espèce. Comme toutes les franges, celle-ci n’a qu’une considération très relative pour les droits humains et la démocratie, au point que pour certaines d’entre elles, le terme "feminazi" apparaît moins comme une insulte qu’une description. C’est ainsi que Mary Daly a pu dire "Si la vie doit survivre sur cette planète, il va falloir la décontaminer. Je pense que cela sera accompagné d’une évolution qui conduira à une réduction drastique de la population des mâles".

D’ailleurs, si l’on veut trouver une transphobie articulée, théorisée et assumée, c’est chez les féministes radicales qu’il faut aller. Le livre de Janice Raymond, The Transsexual Empire, où elle écrit "tous les transsexuels violent le corps des femmes en réduisant la forme femelle réelle à un artefact", est de ce point de vue particulièrement éclairant.

Naturellement, les radicales ne constituent qu’une toute petite partie du mouvement et n’ont de poids que dans le monde académique. Il n’en reste pas moins que leur influence, comme l’a déploré, par exemple, Elizabeth Badinter, dépasse de loin ce que leur petit nombre et leur relative obscurité pourrait laisser supposer.

Le second problème est la focalisation sur des symboles creux. Ce n’est pas une spécificité féministe et le courant d'où je viens s'y livre souvent avec un enthousiasme touchant, pour des raisons d'ailleurs fort similaires. L'exemple le plus récent en a été la "bataille" pour l'élimination de la case mademoiselle sur les formulaires administratif. Dans une société où la moitié des enfants naissent en dehors du mariage, cette mention n'a effectivement pas grand sens, mais en faire un symbole, même mineur, d'une supposée oppression masculine n'en a pas beaucoup plus. Il en est de même d'ailleurs des règles de l'accord de l'adjectif qui n'est qu'un fossile de l'époque où l'ancêtre de notre langue n'ait ni masculin ni féminin, mais un animé générique qu'on opposait à un inanimé tout aussi générique.

Ces symboles creux permettent d'obtenir des victoires aussi faciles que futiles, et donc de conserver la dynamique du mouvement. Ils permettent surtout de masquer derrière un écran de fumée idéologique l'évolution d’un mouvement qui, après avoir servi l'ensemble des femmes et leur avoir permis d'accéder à la citoyenneté, en est venu à ne plus défendre que la bonne conscience et les intérêts de certaines femmes. C'est d'ailleurs loin d'être un cas isolé dans une gauche sociétale dont on se demande de plus en plus ce qu'elle a de gauchiste.

Pour ce faire, on utilise deux outils, particulièrement répandus, on doit le dire, dans la dite gauche sociétale : la victimisation et la logique des quotas.

Nous avons pu observer la victimisation à l’œuvre lors de l'affaire DSK, non que l'individu soit particulièrement recommandable – le qualifier de gros porc est une insulte à la gent porcine et certains membres, pas nécessairement masculins d'ailleurs, de l'establishement ont tenu, à cette occasion, des propos regrettables. Le problème c'est que les réactions n'avaient rien à voire avec le droit, que ce soit celui de la plaignante à être écoutée ou celui de l'accusé à bénéficier d'un procès équitable. Certains ont, par intérêt de classe ou de clan, essayé de défendre un individu de plus en plus manifestement indéfendable. D'autres ont pris le parti systématique de la plaignante, criant au scandale et à la phallocratie lorsqu'il s'est avéré que la dite plaignante n'était pas totalement digne de confiance.

Le problème avec la logique victimaire c'est qu'elle reconstitue la vieille dichotomie victorienne entre l'épouse et la prostituée, en donnant le beau rôle, non pas à la victime, mais à ses défenseurs autoproclamés. Une victime, voyez-vous, n'est, par définition, pas maître de son destin. Elle est là pour incarner la cause, être soutenue, et éventuellement devenir un(e) militant(e) en adoptant l'idéologie de tel ou tel groupe.

Et malheur à elle si elle ne joue pas la partition qu'on lui a écrite, comme le fait remarquer Sylvianne Spitzer :

[…] je suis assez étonnée de cette volonté de prendre en charge totalement la femme victime. Certes elle demande de l'aide, mais comme les hommes victimes, elle doit réapprendre à agir seule, sans contrôle. Or, l'impression première qui j'ai ressenti face à ces discours c'est qu'en fait ces associations cherchent à se substituer au mari "contrôleur". La femme deviendrait alors victime de l'association à laquelle elle s'adresse car cet organisme la replonge dans un statut infantilisé.

Le concept de victime étant étendu à toutes celles qui ne sont pas militantes, grâce à la notion, souvent extrêmement vague, de patriarchie, on en vient à dire que toutes les femmes qui ne suivent pas la ligne sont aliénées, et l'aliénation, lorsqu'elle devient obstinée, commence à sérieusement ressembler à de la traîtrise. Écoutons par exemple Anne Zelenski, féministe historique, passée il est vrai récemment à l'extrême droite.

Quelques affaires émergent, vite étouffées, avec la complicité des autres femmes du voisinage politique, familial, toujours prêtes à lécher la main du maître et à se désolidariser de leurs paires. Tout se tient : la violence ne se perpétue qu’avec le consentement plus ou moins tacite de ses victimes.

Cette course à l’échalote victimaire n'est évidemment pas le privilège des féministes. Elle gangrène l'ensemble de la gauche sociétale – avec un bémol pour le mouvement gay, car il lutte contre de réelles discriminations légales. La lutte pour des droits réellement universaux se transforme en une espèce de compétition pour présenter la plus belle victime, quitte à la transformer, pour les besoins de la cause en ready-made de telle ou telle idéologie. Et cela implique naturellement d'excommunier tous ceux ou celles qui nuiraient à son caractère de victime absolue ; Il n'y a qu'à voir ce qui est arrivé Sylvianne Spitzer, fondatrice de SOS Hommes Battus, ou à Elizabeth Badinter aprés la publication de Fausse Route.

La logique des quotas est encore plus pernicieuse car elle peut être justifiée dans le domaine politique. Les démocraties modernes sont censées être représentatives et contrairement aux immigrés les femmes ne peuvent s'assimiler à la masculinité. Il est donc normal qu'elles soient également représentées dans les assemblées.

Le monde professionnel, lui, n'a pas pour obligation d'être représentatif. Sa seule obligation est d'offrir à chacun les mêmes chances de réussite et de ne discriminer personne sur la base du sexe ou de l'origine. Ce n'était certainement pas le cas avant les années soixante-dix et les luttes qui ont permis d'imposer ce principe dans la loi, et sur ce point sur ce point, le féminisme était indubitablement nécessaire

L'égalité de résultat est quelque chose de totalement différent, et de beaucoup plus contestable. Les différences statistiques, de revenu et de carrière, qui subsistent entre les deux sexes tiennent à la grossesse, qui, depuis la généralisation de la contraception, est un choix que l'on peut espérer mûrement réfléchi, et aux choix de formation et de carrière des femmes et des hommes. Pour faire simple et pour sortir des catégories supérieures qui ne concernent, au fond, que peu de monde, plus de femmes postulent à des emplois de secrétaires qu'à des emplois d'éboueurs, et ce alors que les éboueurs sont souvent, et à juste titre, mieux payés.

Bien sûr, ces choix sont socialement contraints, mais il est de même de tous les choix que nous faisons. Si j'étais né dans un camp de réfugié palestinien, je serais peut-être devenu djihadiste. Le caractère socialement contraint de ce choix n'aurait strictement rien enlevé à ma responsabilité, ni à l'obligation que j'aurais eu d'en assumer les conséquences. Il en est de même pour la celibattante qui se retrouve à cinquante ans seule face à sa solitude ou à la mère de famille du même âge qui se surprend à regretter la carrière qu'elle n'a pas eu.

Nier la légitimité de ces choix revient par ailleurs à infantiliser ceux et celles qui les font, à leur dire en substance "votre volonté n'a pas d'importance si elle ne s'accorde pas avec la ligne du parti", et donc à replonger les femmes dans l'état de perpétuelle mineures dont elles s'étaient si péniblement extraites.

La logique des quotas a aussi pour effet, et je ne suis pas sûr, que cela soit si involontaire que cela, de grandement faciliter la vie professionnelle de celles qui ont choisi une carrière boudée par les femmes. Les candidates étant moins nombreuses, la lutte pour les places (réservées) les plus prestigieuses est moins féroce, et les chances de gagner nettement plus substantielles.

Le problème c'est que l’accès à ces postes est toujours conditionné à la possession de certains diplômes, de certaines connections, et à la maîtrise de certains codes. Les quotas ne bénéficieront donc qu'à une petite minorité de déjà privilégiées. Il me paraît, en effet peu probable que le système de quota soit étendu à des profession ne requérant pas l’une ou l’autre de ces qualités, comme par exemple mineur de fond, soldat de première ligne en Afghanistan ou manœuvre dans la construction.

Ils favorisent donc moins les femmes que des femmes, celles qui sont déjà au sommet de la hiérarchie sociale. Alors certes, on peut considérer les femmes comme une "classe" et dire, comme le font les féministes radicales, que ce qui bénéficie à certaines d'entre elles bénéficie à toutes ; C'était certainement vrai pour les droits politiques et sociaux, comme pour la libéralisation de l'avortement et de la contraception. Ces combats devaient être menés, et ils devaient l'être au nom de toutes les femmes.

Les choses sont différentes dans le domaine social, cependant, et on peut se demander quel intérêt a une caissière de supermarché à ce que la carrière de la cadre supérieure qui gère sa destinée dans un lointain bureau parisien soit accélérée. Ont peut évidement dire qu'elles sont toutes deux des sœurs en oppression et qu'elles doivent s'unir pour contrer la tyrannie des manutentionnaires. Je doute, cependant, que ce discours ait beaucoup de succès en dehors des gender studies. Un siècle et demi de luttes sociales nous enseignent au contraire que c'est avec les manutentionnaires que les caissières doivent s'entendre pour rogner les privilèges de la cadre supérieure.

De ce point de vue, les quotas, en matière professionnelle, apparaissent moins comme une mesure féministe que comme une escroquerie au "toutes ensemble" – toutes ensemble, certes, mais pour l'intérêt d'un petit nombre.

C'est cependant dans le domaine des représentations que les dégâts sont les plus importants, et, potentiellement, les plus destructeurs. Les sociétés traditionnelles enfermaient les deux sexes dans des rôles sociaux rigides. La rigidité de ces rôles variait, notamment aux marges de la sociétés. C'est ainsi que les sources romaines parlent d'une gladiatrice nommée Amazonia, et que l'on a trouvé dans les ruines d'un ludus de Pompei, le cadavre d'une apparemment très riche matrone entourée de huit gladiateurs, prouvant que les femmes aussi pouvaient être "clientes".

Il n'en reste pas moins que dans la société normale, les choix de vie que vous pouviez faire étaient sévèrement limités par votre sexe de naissance. Par ailleurs, les rôles féminins étaient universellement considérés comme inférieurs aux rôles masculins. Le féminisme aurait normalement dû abattre cette barrière et supprimer cette hiérarchie. Il a largement abattu la barrière et encouragé les femmes à investir les rôles traditionnellement masculins – une excellente chose en soi. Le problème, c'est qu'il n'a pas aboli la hiérarchie. Il l'a même renforcé en se focalisant sur les postes les plus prestigieux, du point de vue masculin, et en valorisant les critères masculins de la réussite.

C'est pour cette raison que le discours des associations féministes sur la libération des hommes sont si ridicules. Les rôles qu'elles souhaitent voir les hommes libérés embrasser, sont précisément les rôles traditionnellement féminins qu'elles dévalorisent elles-même, que ce soit ceux liés à la maternité / paternité ou à l'économie domestique. C'est d'autant plus absurde et regrettable que les hommes ont tout à gagner à l'affaiblissement des barrières de genres. C'est effectivement par là que passe leur libération. Pour qu'ils investissent les activités traditionnellement féminines, du moins ceux qui le souhaitent, il faudrait cependant qu'elles soient un minimum valorisées, ce dont le mouvement féministe, dans son immense majorité, ne veut pas entendre parler.

Les hommes libérés concrets le sont donc surtout de leur rôle traditionnel de père et d'époux. Ils se saoulent, passent leurs nuits sur World of Warcraft et courent la gueuse ou, comme les MGTOW américains ou les herbivores japonais, évitent toute relation sentimentale et consacrent leur temps, leur argent et leur énergie à leur carrière, leurs passions ou leurs hobbys, toutes ces choses qu'une femme leur ferait négliger ou abandonner.

On doit à la vérité de dire que j'ai une nette préférence pour le second concept, même si je m'autorise quelques escapades du côté du premier.

Ce sont les femmes, cependant, qui pâtissent le plus de cette erreur stratégique. Une grande partie d'entre elles, surtout dans les classes populaires, s'investissent dans des rôles traditionnellement féminins. Ce choix est aussi respectable que celui de leur consœurs et il devrait leur permettre de réussir leur vie. La hiérarchie traditionnelle du féminin et du masculin ayant été maintenue, et même renforcée, ce n'est plus possible.

L'investissement dans la vie domestique n'est plus réellement un rôle social reconnu et les métiers correspondant à la sphère traditionnellement féminine sont dévalorisés, justement parce que la hiérarchie traditionnelle n'a pas été abattue ni même sérieusement contestée. En fait le discours féministe s'y oppose implicitement, et pour ce qui est de la revalorisation de la sphère domestique, explicitement.

J'avoue personnellement que je considère une infirmière ou une mère au foyer beaucoup plus utile pour la société qu'une directrice des ressources humaines chargée des plans sociaux. Je suppose que c'est une question de valeur.

Là où cet échec à inverser l'échelle des valeurs patriarcales peut se révéler désastreux pour les femmes, c'est que la liquidation de l'économie domestique et sa marchandisation progressive est temporaire. L'une et l'autre n'ont été rendues possibles que par l'exploitation des énergies fossiles et l'industrialisation.

Depuis le rapport Meadows fait au Club de Rome en 1972, nous savons que les ressources qui nous ont permis d'édifier notre civilisation sont en voie d'épuisement, et s'il aurait été possible à l'époque d'effectuer une transition ordonnée vers une économie soutenable, ce n'est, aujourd'hui, plus envisageables.

Cela aura de multiples conséquences, la plupart d'entre elles désagréables. L'économie domestiques fera ainsi son grand retour, au fur et à mesure que la société perdra les moyens de payer pour ses substitut marchands. Nombre de ces substituts appartenant à l'espace traditionnellement féminin, cela se traduira par un repli des femmes vers l'économie domestique (et des hommes vers l'économie informelle).

Les femmes des catégories supérieures conserveront sans doute leur accès au pouvoir et au prestige, accés garanti ou non par des quotas. Les autres, cependant, seront renvoyées à une sphère domestique que l'erreur stratégique des féministes aura dévalorisée bien au delà de ce qu'elle était autrefois.

Ce n'était pourtant nullement une nécessité, mais dans le monde des idées comme sur les champs de bataille, les erreurs se payent cash.

2 commentaires:

  1. La reflection sur les quotas est tres interessantes. Elle rejoint ce que j ai pensé en voyant notre nouveau gouvernement. On a du trouver des femmes pour etre ministre et le critere a donc ete plus le sexe que la competance.
    Et j attends avec delectation des quotas d eboueuse ...

    L autre probleme des quotas est la deligitimation. Si vous etes nomme car il faut remplir un quota, il est quand meme probable que vos subordonnes ne vous considerent pas comme legitime et donc que vous ayez du mal a accomplir votre mission

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    1. l'aspèct que l'on nomme 'quota' est en fait une forme de 'social à la française'. dans le concours CNRS on a toujours choisi - non les candidats les plus performants - mais souvent le deuxième voir troisième si celui-ci avait des problèmes graves, comme mère seule, chômeur ou handicapé. pas étonnant que la droit ait massacré le budget 'science' car c'était trop souvent une ideologie socialiste que performante derrière... au grand dame de la communauté scientifique.

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