vendredi 22 novembre 2013

L'illusion du revenu minimum garanti

Au cours des élections législatives, j'ai soutenu les Verts parce que ... he bien, parce qu'il y avait un accord national qui pourrait (et en fait ne) nous faire gagner un député et officiellement approuver cette dame faisait partie du deal. Quant à mon opinion sur la chose ... bien, disons simplement dire que, parfois, vous devez faire votre travail.

Un des avantages de la situation, c'est que j’ai pu observer le fonctionnement interne du groupe Vert locale (du moins la faction qui avait gagné le combat, plutôt brutal, pour la nomination) et ai été forcé d'assister à quelques réunions, où je n'aurais pas pris la peine d'aller autrement. Au cours de l'un d'eux - un soi-disant " café politique " , quelqu'un a soulevé la question du "revenu de base".

Pour ceux qui grenouillent pas dans la politique radicale, le revenu de base est un revenu accordé sans condition à tous les citoyens (ou habitants) d'un pays donné. La France a déjà quelque chose de ce genre. Cela s’appelle le RSA.

C’est évidemment un revenu très basique. Le salaire médian en France est d'environ 1600 € et je loue mon T3 pour 517 €. Saint-Nazaire est d'ailleurs une ville ouvrière et le logements ont tendance à bon marchés par ici. Je ne pourrais probablement pas trouver un appartement équivalent à Paris, même pour trois fois ce prix. Même si il peut être complétée par d'autres aides, le RSA ne permet pas de festoyer. Vous pouvez survivre avec, mais guère plus.

Bien sûr, il ne s'agissait pas de ce genre de revenu de base dont notre militant vert parlait. Ce dont elle parlait, c'est d’un revenu plus ou moins égal au salaire minimum C'est une idée populaire parmi dans les milieux décroissants et dans certaines sections du mouvement vert et de l'extrême gauche. Une de mes copines y croyait beaucoup, et c’est indubitablement une mauvaise idée - la copine en question était également une mauvaise idée mais c’est un autre problème.

La principale raison à cela devrait être évident pour quiconque vaguement au courant du pic énergétique. Même ses partisans reconnaissent que la faisabilité d'un système de revenu de base est fortement tributaire de l'existence de la civilisation industrielle.

Comme le philosophe français André Gorz écrivait en 1989:


... Le lien entre plus et mieux a été rompu; nos besoins pour de nombreux produits et services sont déjà plus que suffisamment satisfaits, et beaucoup de nos besoins encore insatisfaits seront satisfaits non pas en produisant plus, mais en produisant différemment, en produisant d'autres choses, ou même en produisant moins. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne nos besoins en air, en eau, en espace, en silence, en beauté, en temps et en contact humain ...

Du point où il ne faut que 1000 heures par an, soit 20.000 à 30.000 heures par vie pour créer une quantité de richesse égale ou supérieure à la quantité que nous créons à l'heure actuelle en 1600 heures par an, soit 40.000 à 50.000 heures dans une vie de travail, nous devons tous pouvoir obtenir un revenu réel égal ou supérieur à nos salaires actuels en échange d'une quantité très réduite de travail ...

Il n’est plus vraique la plus chaque individu travaille longtemps, mieux ce sera pour tout le monde. La crise actuelle a stimulé une évolution technologique d'une ampleur et d’une vitesse sans précédent : «la révolution informatique. L'objectif et l'effet de cette révolution a été de faire des économies de plus en plus rapidement dans le travail, dans les secteurs des services administratifs et industriels. L’augmentation de la production est assurée dans ces deux secteurs par des quantités décroissantes de travail. En conséquence, le processus social de production n'a plus besoin que tout le monde travaille sur une base de temps plein. L'éthique du travail cesse d'être viable dans une telle situation et de la société du travail est en crise ...
- André Gorz, Critique de la raison économique, Gallile 1989

L'idée selon laquelle le règne de la machine va briser le lien historique entre le travail et le revenu est aussi vieille que la Révolution Industrielle. Il est implicite au début de la pensée marxiste. Ainsi, dans la Critique du programme de Gotha, Karl Marx lui-même a écrit:

Dans une phase supérieure de la société communiste, quand auront disparu l'asservissante subordination des individus à la division du travail et, avec elle, l'opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel; quand le travail ne sera pas seulement un moyen de vivre, mais deviendra lui-même le premier besoin vital;
quand, avec le développement multiple des individus, les forces productives se seront accrues elles aussi et que toutes les sources de la richesse collective jailliront avec abondance, alors seulement l'horizon borné du droit bourgeois pourra être définitivement dépassé et la société pourra écrire sur ses drapeaux « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins !

Ce qui signifie que sous le communisme, on rasera perpétuellement gratis, ce qui correspond à ce qu’est fondamentalement le revenu de base. Nous savons, bien sûr ce qu’il en est advenu et les régimes et partis marxistes réels ont rapidement développé une forte éthique du travail, parfois jusqu’au ridicule - quelqu'un se souvient-il de Stakhanov?

Bien sûr, cela ne signifie pas que l'idée d'un rasage gratuit généralisé soit morte. Elle a simplement migré vers les techno-optimistes, qui ont remplacé la " phase supérieure du communisme" par le progrès technologique, lequel fera que les travailleurs seront progressivement remplacés par des robots et des usines automatisées. Cela permettrait d'accroître considérablement la richesse de la société, mais aura aussi un impact dévastateur sur les employés et les ouvriers réduira considérablement la classe moyenne, ce qui rendra un revenu de base généreux à la fois réalisable et socialement et politiquement indispensable. La seule autre option serait le développement d'une classe permanente d'anciens ouvriers et employés déclassés, avec toutes les conséquences politiques désagréables que cela peut entraîner.


C’est, par exemple, la thèse de Jeremy Rifkin dans ce monument de la pensée techno-verte, qu’est "La Fin du Travail", mais le thème est omniprésent dans la science-fiction, par exemple dans le premier roman de Kurt Vonnegut Player Piano , qui, a, d'ailleurs, montré que le revenu de base était parfaitement compatible avec l'aliénation et l'oppression.

Le problème, bien sûr, est que cet avenir de robots et d’usines automatisées ne verra jamais le jour. Ce n'est pas l'automatisation en soi qui a engendré la révolution industrielle et par là notre société, mais l'accès aux énergies fossiles. Sans charbon, pétrole ou gaz et sans l'appareil social très complexe dont ils ont besoin pour leur fabrication et leur maintenance, nos machines ne servent à rien.

En outre, la capacité de notre économie à créer des surplus, qui peuvent être utilisé, entre autres, pour financer un système de revenu de base, est en constante diminution. Comme nous remplaçons le pétrole et le charbon bon marché par des substituts de moins en moins adéquats tels que le lignite ou les sables bitumineux ou, que les Dieux nous pardonnent, l'éthanol, et sommes obligés de consacrer toujours plus de ressources à l'extraction de l'énergie, l'excédent net, sur lequel vit notre civilisation, se réduit. Ajoutez à cela la nécessité de maintenir une infrastructure gigantesque, à la fois matérielle et immatérielle, avec des ressources au mieux stagnantes, et il est facile de comprendre que, même si notre PIB nominal croît encore, il devient de plus en plus difficile de mobiliser des ressources pour faire réellement quelque chose.

C'est exactement ce qui se passe aujourd'hui dans une Europe encore riche, et il est évident que même si notre PIB est théoriquement assez important pour que nous accordions à tous nos citoyens un revenu de base, une telle proportion est immobilisée par la dette et l’entretien de nos infrastructures que garder notre système de protection sociale en l’état est probablement impossible.

Il y a, cependant, une autre raison, plus profonde, et de rejeter le revenu minimum: on a déjà essayé.


C'était le pain du fameux "pain et des jeux". A l'origine une nation de petits agriculteurs, la République romaine s’est laissée aller au latifundisme. Les paysans écrasé de dettes ont vendus leurs terres aux grands propriétaires et se sont enfuis à Rome, à la recherche d'un emploi que plupart d'entre eux n'ont pas trouvé. En 123 avant JC, Tiberius Gracchus avait fait voter au Sénat une loi sur grain en vertu de laquelle une partie du blé collecté par l'Etat était vendu aux citoyens à un tarif subventionné. Tiberius Gracchus a également poussé pour une réforme agraire assez radicale, qui lui a valu une collision fatale avec une chaise au cours d'un débat sénatoriale plutôt viril.


L'habitude de distribuer des céréales gratuitement ou à très pas bas prix à la plèbe romaine s’est cependant installée, , et en 58 avant J.-C., le politicien popularis Clodius Pulcher a mis en place une distribution régulière de blé gratuit après avoir été élu en tant que tribun - à ce moment-là les politiciens tenaient leurs promesses. César et Auguste semblent avoir été embarassés par la chose mais n’ont pas osé pas l'abolir complètement.

Les empereurs ont continué la pratique et l’ont même complétée avec des distributions d'huile d'olive, de vin ou de porc. Le raisonnement était que tant que la foule était bien nourrie et divertie, elle laisserait la politique à l'empereur et sa cour. Cela n’a pas très bien marché avec l'armée et la garde prétorienne, mais a été très efficace avec la plèbe romaine romaine. Comme le poète Juvénal le disait dans ses Satires:

Ces Romains si jaloux, si fiers de leurs suffrages,
Qui jadis commandaient aux rois, aux nations,
Décernaient les faisceaux, donnaient les légions,
Et seuls, dictant la paix, ou proclamant la guerre,
Régnaient du Capitole aux deux bouts de la terre,
Esclaves maintenant de plaisirs corrupteurs,
Que leur faut-il ? du pain et des gladiateurs.

Bien sûr, à la fin, des étrangers barbus avec un accent bizarre et une religion qui sentait le souffre ont conquis le grenier à blé de l'Empire et leur chef, un gentilhomme du nom de Genséric a décidé que le blé devait rester chez ceux qui le produisaient.

Rome pouvait distribuer gratuitement du blé parce qu'elle pillait impitoyablement ses propres provinces, détruisant sa propre base de ressources et ouvrant la voie à sa propre destructions. Nous devrions détourner des ressources déjà limitées de l'entretien de notre propre civilisation, accélérant de ce fait sa désintégration. Les principes régissant le revenu de base et la distribution romaine de blé sont les mêmes, cependant: la dépendance, l'aliénation et le sentiment que tout nous est dû.

Les partisans de ldu revenu de base disent que nous y avons droit, parce que nos sociétés sont riches. Le problème est que cette richesse ne vient pas de nulle part. Une partie de celle-ci est le produit d’un système impérial en difficulté mais encore vigoureux qui transfère la richesse et les ressources du sud vers le nord sous la menace de la force militaire. Une autre partie provient de la surexploitation effrénée des ressources naturelles non renouvelables, ce qui signifie essentiellement que nous les volons à nos descendants. Pour ce qui est probablement la classe la plus favorisée dans l'histoire humaine, passé et avenir confondus, revendiquer le droit de détourner encore plus de ressources afin de pouvoir vivre sans travailler revient à dire "tout nous est dû, et peu importent les conséquences".

Ce n'est pas un hasard que la plupart des partisans du revenu de base appartiennent, du moins en France, à la classe moyenne supérieure (les bobos) ou à leurs confrères plus pauvres: les révolutionnaires RSA. Les révolutionnaires RSA sont des radicaux qui prétendent mépriser "le système" et chercher à le renverser, tout en étant totalement dépendant de son existence pour leur survie. Ils sont particulièrement fréquents dans la branche autonomiste du marxisme, qui prétend lutter contre le "capitalisme" hors des structures organisées, par l'action directe, ce qui revient en pratique à accumuler des actes symboliques tout en vivant en marge de la société grâces à des subventions de l'Etat.

Le revenu de base est, en fait, la conséquence logique de l'idée selon laquelle l'Univers doit nous donner tout ce que nous voulons, pour peu que nous criions assez fort.

Bien sûr, cela ne signifie pas que nous devons abolir l’état-providence avant qu'il ne devienne insoutenable. Létat-providence n'a rien à voir avec le revenu de base, parce que son but est d'aider les personnes dans le besoin, tant qu'elles sont dans le besoin, mais pas une heure de plus. C'est la solidarité humaine de base et il est révélateur que les mêmes religions monothéistes qui disent "Celui qui ne veut pas travailler qu’il ne mange pas non plus" fassent de la charité un devoir.

Ce sont deux concepts distincts.

Selon ses partisans, le revenu de base va nous libérer et nous permettre de nous consacrer à l'art, la culture, ou ce que Jeremy Rifkin appelle le tiers secteur - les organismes de services communautaires et volontaires. Ceci, cependant, est une utopie bobo. Dans les communautés réelles, rien n'est vraiment gratuit. Si on aide quelqu’un gratuitement, c’est parce qu’on attend un renvoi d’ascenseur. Si la coopération est si répandue, c'est parce qu'elle est nécessaire au bien-être, et parfois à la survie de chaque individu.


En distribuant librement des ressources, l'état, ou ce qui aura pris sa place, remplace en fait une relation horizontale entre les membres d'une même communauté par une relation verticale entre un individu et le pouvoir politique qui le nourrit - et peut cesser de le faire à tout moment. Le résultat ne sera probablement pas la construction de liens, mais une fragmentation sociale et un contrôle accru par le haut.

Cela n’améliorera pas le contrôle tout individu doit avoir sur sa propre vie, bien au contraire. De ce point de vue, le revenu de base est la continuation, certains diront le stade suprême, du processus qui, depuis la révolution industrielle, a transformé les artisans en travailleurs non qualifiés et en caissières de supermarché. Si l'artisan pouvait être pauvre, il était toujours le maître de son art et de sa propre vie, et ne dépendait de personne d'autre que lui-même. L'ouvrier d'usine dépossédé qui l'a remplacé, accomplit des tâches répétitives et vides de sens, et n’est plus qu’un rouage, totalement déconnecté du produit de son travail. Les ouvriers d'une usine spécifique, pris dans le groupe, pouvaient toutefois prendre une fierté collective dans le fruit de leurs travaux. Le bénéficiaire moyenne du revenu de base une personne passive, sans aucune identité professionnelle ou sociale, et si une minorité pourrait se réaliser dans des activités bénévoles, la majorité deviendraient comme les personnages de The Machine Stops ou de Piano Player, oisif et aliéné, privé de la possibilité de contrôler leur propre vie et, plus important, d’en faire quelque chose.

Dans Piano Player, le personnage principal, un membre de l'élite, pense à se retirer dans une ferme sans eau ni électricité puis prend part à une révolte contre l'ordre technocratique visant à redonner aux hommes la liberté de faire quelque chose de leur vie et de trouver de la fierté dans ce qu’ils font.

Je pense que je l'aurais suivi, si je ne savais pas que cette idée absurde de revenu de base absurde était destiné à mourir avec la civilisation industrielle.

mercredi 6 novembre 2013

Banqueroute verte

Il y a eu beaucoup de mauvaises nouvelles pour les partis verts européens ces derniers temps et il faut dire que ces difficultés ne sont pas vraiment imméritée. En Allemagne , le Parti Vert local avait demandé à Franz Walter et Stephan Klecha , de l'Institut de Göttingen pour la démocratie de fouiller les archives du parti pour contrer des rumeurs selon lesquelles il avait défendu la pédophilie pendant les années quatre-vingt . Malheureusement - pour les Verts - ils ont prouvé ces accusations «étaient très fondées et que la position des Verts sur la question était alors une approximation très convaincante de celle de la North-American Man-Boy Love Associaion.

Cela peut avoir eu un impact sur le
résultat, désastreux pour les Verts, des élections qui ont suivi.

En France , les Verts font partie du gouvernement. Il y a quelques semaines , leur (pas si ) chef
(que cela) Pascal Durand, a «découvert» que ledit gouvernement n'avait pas l'intention de faire quoi que ce soit en vue de la transition énergétique et menacé d'une démission collective si des mesures n'étaient prises . Les ministres Verts ont jeté un coup d'œil sur leur fihe de paie, ont décidé qu'ils en voulaient une autre, et que si quelqu’un devait partir c’était Pascal Durand.

Inutile de dire que cela a un peu terni leur réputation déjà
plus que douteuse.

Bien sûr , les Verts ne sont pas les seuls à avoir défendu des causes douteuses à l'époque . En 1977, un certain nombre d'
intellectuels français, dont Jean- Paul Sartre , Bernard Kouchner et Jack Lang, avaient signé une pétition en faveur de trois pédophiles , ce qui n'a pas empêché deux d'entre eux de devenir ministres dans des gouvernements fort peu verts. Quant à utiliser son statut d’allié mineur du parti dominant pour obtenir des postes auxquels on refusera ensuite de renoncer même si cela implique de renier ses convictions ... c'est un sport national en France.

Pourtant , les Verts ,
du moins en France, incarnent ces défauts bien mieux que les autres partis et sont souvent fustigé pour cela, même dans le très cynique microcosme politique,

Ceci est partiellement dû
au fait qu’une grande partie de leurs partisans viennent des classes moyennes-supérieures urbaines, qui n'ont aucun intérêt à changer un ordre social dont ils bénéficient grandement, mais veut néanmoins de la bonne conscience que procure le fait

d’être du côté de progrés. Il n’y a pas que cela, cependant .

Comme
le dit Franz Walter:La protection de la nature et le développement durable ne constituent pas un terreau propice à la pédophilie et à l'abus d'enfants. Mais les Verts ont un deuxième créneau qui est curieusement peu compatible avec le premier : une sorte de libéralisme fondamental associé à un fort hédonisme individualiste. Dans cet environnement, ont émergé dans les années 1970, avant la fondation des Verts, des revendications pour la dépénalisation des délits sexuels et pour une tolérance à l'égard de la sexualité entre adultes et enfants. Au début des années 1980, une partie de ce libéralisme radical s'est retrouvée chez les Verts",  
La protection de la nature n'était pas , au début , une cause progressiste. Le projet des Lumières était d'utiliser la raison, et seulement la raison, de pour faire face aux problèmes du monde. Cela signifiait se débarrasser de l'influence des églises, mais aussi établir la domination de l'homme sur la nature de manière à créer, dans ce monde, le paradis que les religions promettaient pour le prochain . 

Notez que cela n’impliquait pas nécessairement la démocratie. La liberté d'expression et de la raison peuvent ,s'épanouir dans un contexte non démocratique , comme la Prusse de Frédéric II ou l'Autriche de Joseph II et la plupart des philosophes éclairés de l'époque niaient toute légitimité à l' opinion populaire , opposant , comme d'Alembert, "le public vraiment éclairé" à "la multitude aveugle et bruyante" 

.La protection de la nature ne vient pas non plus des premiers adversaires de la philosophie des Lumières : les contre-révolutionnaires tels que Joseph de Maistre . Ceux-ci rejetaient le règne de la raison parce qu'il menaçait l'ordre social (traditionnel) et sappait la domination de l'Église. L'autre branche de contre- Lumières , le romantisme , était totalement différent . Il était souvent très critique vis-à-vis de l'ancien ordre social et de la religion établie. Des romantiques ont dirigé les révolutions et les révoltes nationales du dix-neuvième siècle, opposant à la légitimité dynastique non pas la raison, mais les peuples.Le romantisme ne s'oppose pas la raison elle-même , mais à ses prétentions à la suprématie . Les romantiques valorisaient l'émotionnel et l’atavique et ils ne pouvaient certainement pas les trouver dans l'atmosphère raréfiée des salons de l' élite éclairée. De là vient leur amour pour la nature, ainsi que pour les traditions folkloriques et les contes médiévaux.

Cela a donné le nationalisme ethnique - qui, au début n’était était l'idée selon laquelle les gens du commun, et non une pas une élite éclairée , devait diriger - , mais également un profond respect pour la nature. On peut trouver cette idéologie parmi les Wandervögel , une organisation de jeunesse allemande prônant le retour à la terre mettant l'accent sur la liberté , la responsabilité individuelle et l'esprit d'aventure , ou dans le conservatisme agraire de Tolkien, dont les héros , rappelez-vous , ne sont pas des princes , mais des paysans fumeurs de pipe.

Inutile de dire que cette idéologie était profondément
antilibérale et pas très friande de la mythologie du progrès.Le romantisme allemand , cependant, a pris un mauvais tournant au cours du XIXe siècle, quand le rêve de retour à la nature et d'autosuffisance s'est mélangé à l'ésotérisme autrichien et au mysticisme racial. Le résultat final a été le cancer idéologique nazi et une guerre apocalyptique qui a enseveli les préoccupations écologiques sous les décombres et assuré que quand ils referaient, ce serait à gauche.Le problème, c'est que cela s'est passé à la fin des années soixante, juste au moment où la gauche, jusque là dominée par le socialisme, se reconfigurait. Tandis que les classes moyennes adoptaient le radicalisme de gauche, l’accent passa des préoccupations de la classe ouvrière à l'hédonisme et l'individualisme. Ce n'est pas par hasard que, en France , les événements de mai 1968 ont commencé par un conflit sur le droit pour les garçons de visiter le dortoir des filles.

Ces idées so
nt venues , non pas de socialisme, qui était très ambivalent vis-à-vis de l'individualisme, mais du libéralisme classique , c'est à dire de la philosophie des Lumières, dont elles continuent les ambitions et illusions messianiques .

La révolte des années soixantes contre l'ordre rigide d'après-guerre a été salutaire à bien des égards . De nombreuses injustices
devaient être réparées, notamment en faveur des femmes , des homosexuels et des minorités raciales . Les considérer comme des êtres humains a certainement été un grand progrès sur la voie d’une société décente . Le manque de lien organique avec le mouvement ouvrier et la prévalence des valeurs individualistes de la classe moyenne parmi les militants a cependant assuré à ce que les organisations politiques nés de la Nouvelle Gauche seraient libérales. 

Les Verts en font partie et c'est là que réside le problème. Comme l'a dit Franz Walter leurs deux moteurs idéologiques ne sont pas compatibles . Vous ne pouvez pas à la fois défendre l'individualisme et de la communauté , l'hédonisme et la sobriété , le progrès et le développement durable. Tôt ou tard , comme avec les partis sociaux-démocrates , l'un des deux programmes sera mis à l'arrière - plan ou remplacé par de bruyants symboles creux. Comme limiter les effets du pic énergétique implique de prendre des mesures très impopulaires , nous pouvons parier que les questions sociétales, sur lequel un accord peut facilement être trouvé avec les partis sociaux-démocrates, viendront sur le devant de la scène , ainsi que ceux que Paul Kingsnorth appel les néo- environnementalistes . C'est déjà le cas dans une certaine mesure . Les Verts français ont été beaucoup plus bruyants sur l'affaire Leonarda que sur la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires du pays.

Pour les
partis liés à la classe moyenne-supérieure " bobo " c'est le chemin de la moindre résistance, et c'est pourquoi il devient de plus en plus dominant , reléguant la vision romantique et la notion de limites à la marge - et parfois , il faut être dit , les forçant à fréquenter des gens fort peu recommandables.

Cela signifie que les partis verts deviendront de moins en moins pertinents et de moins en moins susceptibles d'apporter une réponse constructive à la crise écologique . En fait , ils vont probablement retarder l'apparition , au niveau politique , d'une vraie réponse politique pic énergétique, libre de la mythologie du progrès, de l'illusion libérale, mais aussi à partir des restes cancéreux de la perversion völkish .

Pourtant , c'est
à cela que nous devons travailler sur si nous voulons faire face au déclin programmé de notre civilisation, sans tomber dans les mêmes pièges cancéreux que le romantisme allemand.

lundi 4 novembre 2013

Le socialisme


La France est gouvernée par un parti socialiste . Bien sûr, ce parti n'est pas plus socialiste que le Parti Révolutionnaire Institutionnel est révolutionnaire. C'est un parti pro-statu quo défendant les intérêts (et la bonne conscience) des élites urbaines ainsi que, dans une moindre mesure, des fonctionnaires. Comme tous les partis socialistes ou sociaux-démocrates en Europe, il parle de réformes sociales et met en œuvre quelques réformes sociétales, principalement destinées à sa clientèle des classe moyenne-supérieure. Comme tous les partis socialistes ou sociaux-démocrates en Europe, il est aussi un outil de sélection des candidats aux fonctions politiques et répartit les emplois et les petits privilèges de ses membres, un rôle qu'il remplit d'une manière de plus en plus conformiste. De ce point de vue, et comme dans les politiques concrètes qu'il met en œuvre lorsqu’il est au pouvoir, il n'est pas différent de ses rivaux de droite.

Sa relation avec ce qu'on appelle généralement le socialisme était rhétorique dès le début et devient de plus en plus purement historique avec le temps. Ceci, plus que les carcinomes in situ cubains ou nord-coréens met en évidence l'échec du socialisme à la fois comme idéologie et comme pratique politique, même dans le cadre éphémère de notre civilisation.


Le mot socialisme a été inventé en 1817 par Robert Owen, un entrepreneur gallois avec un penchant humanitaire, dans un rapport à la Chambre des communes intitulé " Plans de réduction de la pauvreté par le socialisme ". L'idée était de créer des communautés de quelque 1.200 personnes vivant dans un grand bâtiment en forme de carré, avec cuisine et réfectoires communs. Chaque famille devait avoir ses propres appartements et élever les enfants jusqu'à l'âge de trois ans, après quoi ils devaient être éduqués par la communauté. Il devrait y avoir une parfaite égalité des salaires. À l'époque, ces communautés ne couvriraient le monde parce que ... car il était tellement grand, vous savez.

Inutile de dire que la Chambre des communes n’a pas été amusée, même si elle devait créer, 17 ans plutard, des maisons spéciales pour indigents ... dans un esprit très différent, car elles étaient expressément conçues pour offrir des conditions de vie pire que le pire emploi disponible à l'extérieur. Owen a néanmoins persévéré, en créant différentes communautés, qui ont toutes échoué spectaculairement. La plus connue d'entre elle fut New Harmony, dans l'Indiana, qui n'a duré que deux ans, et dont Josiah Warren a écrit:

" Il semble que les différences d'opinion, les goûts et les buts ont crû en proportion de la demande de conformité Deux ans se sont écoulé ainsi., à la fin desquels , je crois que pas plus de trois personnes avaient le moindre espoir de succès. La plupart des réformateurs ont tenté toutes les expériences possibles en désespoir de cause de et le conservatisme s'est vue confirmé Nous avions essayé toutes les formes imaginables d'organisation et de gouvernement, nous avions un monde en miniature -... nous avions adopté la révolution française de nombreuses fois avec des coeurs désespérés au lieu de cadavres en guise de résultat ....


L'échec de Owen et de ses nombreux imitateurs, notamment Fourrier et Cabet, a abouti à la
marginalisation dusocialisme utopique , même si l'idée de communautés intentionnelles survit encores et bénéficie, de temps en temps, d’un regain éphémères d'intérêt. Ces expériences , qui étaient nombreuses en Amérique pendant le XIX ème siècle, continuaient les communautés religieuses du passé , mais avec une différence essentielle. Contrairement aux monastères catholiques ou aux communautés anabaptistes, l'objectif principal n’était de ne pas de maintenir les croants, loin du monde afin qu'ils puissent atteindre le salut, mais de donner un exemple que le monde devrait, par la suite, suivre .

En cela, le socialisme, malgré ce que certains auteurs modernes tels que Michea disent , était, dès le départ, un enfant de la mythologie du progrès. Son objectif a toujours été de mettre fin à la misère et aux inégalités par l'application de la raison et la domination de l'homme sur la nature. Sa principale différence avec ce qu'on a appelé la gauche pendant le XIX e siècle était son attitude face l'individualisme.

Ni le socialisme utopique d’Owen, ni les deux factions qui ont lutté pour le contrôle des premières organisations socialistes (le marxisme et l'anarchisme à la Bakounine), étaient particulièrement favorable à l’individualisme. Cela devrait être évident pour Marx, et si Proudhon et Bakounine ont rejeté tout ce qui ressemblait à une loi ou une autorité politique, leur vision de la société ne ressemblait en rien à celle d’Ayn Rand. Pour citer Proudhon:

En vertu de la loi d'association, la transmission de la richesse ne s'applique pas aux instruments de travail, et ne peut donc pas devenir une cause d'inégalité ... Nous sommes des socialistes ... dans l'association universelle, la propriété de la terre et des instruments de travail est la propriété sociale ... Nous voulons que les mines, les canaux, les chemins de fer soient remis aux associations organisées démocratiquement de travailleurs ... Nous voulons que ces associations soient des modèles pour l'agriculture, l'industrie et le commerce...


En fait, jusqu'à la fin du XIX e siècle, le socialisme se considérait comme une troisième force, sans aucun lien avec le droite (alors contre-révolutionnaire) mais aussi avec la gauche, qui était le parti du changement, du progrès et de la liberté du commerce . Même si le socialisme, dans toute ses incarnations , est clairement un enfant des Lumières car il vise à libérer l'humanité de sa condition. Il était cependant ambivalent à l'égard du culte de changement et de l'«innovation» si caractéristique de la gauche . Pour citer le Manifeste du parti communiste:

La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production, ce qui veut dire les rapports de production, c’est-à-dire l’ensemble des rapports sociaux. Le maintien sans changement de l’ancien mode de production était, au contraire, pour toutes les classes industrielles antérieures, la condition première de leur existence. Ce bouleversement continuel de la production, ce constant ébranlement de tout le système social, cette agitation et cette insécurité perpétuelles distinguent l’époque bourgeoise de toutes les précédentes. Tous les rapports sociaux, figés et couverts de rouille, avec leur cortège de conceptions et d’idées antiques et vénérables, se dissolvent ; ceux qui les remplacent vieillissent avant d’avoir pu s’ossifier. Tout ce qui avait solidité et permanence s’en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont forcés enfin d’envisager leurs conditions d’existence et leurs rapports réciproques avec des yeux désabusés.

Marx et Engels ne voient évidemment cette instabilité permanente comme un processus agréable. Ils le considèrent, cependant, comme une étape nécessaire sur la voie du socialisme. Pour les citer à nouveau.

Nous assistons aujourd'hui à un processus analogue. Les conditions bourgeoises de production et d'échange, le régime bourgeois de la propriété, la société bourgeoise moderne, qui a fait surgir de si puissants moyens de production et d'échange, ressemblent au magicien qui ne sait plus dominer les puissances infernales qu'il a évoquées


En bref, c'est parce que la domination bourgeoise est destructrice qu'elle a créé les conditions de l'avènement du socialisme et de la sortie de l'humanité de l'histoire. C'est, bien sûr, une pur logique prémillénariste, mais, au moins, elle suppose que l'atomisation et l’instabilité permanente provoquée par la Société industrielle est une mauvaise chose - l'œuvre du diable.

Nous sommes à des années lumière à la fois du libéralisme classique et des membres du Parti socialiste, comme Donique Strauss Kahn, qui affirme que «le socialisme c’est l'espoir, l'avenir et l'innovation".

Le socialisme traditionnel était une critique de la modernité, même s’il était imparfait . Il en est venu, cependant, à s'allier avec la gauche libérale à la fin du XIX e siècle pour empêcher la droite réactionnaire de revenir au pouvoir, du moins en Europe. En France, c’ est arrivé au cours de l' affaire Dreyfus . Dans un premier temps, les socialistes français considéraient la chose comme une «guerre civile bourgeoise" et refusaient de prendre parti. Face à la réelle possibilité d'un coup d’état , cependant, ils ont décidé de s'allier avec la gauche libérale (alors appelé les républicains, en opposition à la droite royaliste).


Le résultat a été une absorption idéologique progressive du socialisme par le libéralisme - et ironiquement la marginalisation des partis libéraux dans toutes les démocraties européennes. Ce ne fut nullement un processus rapide ou sans accrocs. En France, où le Parti communiste est restée fort jusque dans les années quatre-vingt ainsi, il ne s’est achevé que sous la présidence de François Mitterrand, même si la tendance était visible dès la fin des années soixante. Bien sûr, cela a été aidé par la révolution russe, dont la victoire qui pousse le socialisme traditionnel sur ​​la voie du totalitarisme. Une fois associé avec le cauchemar cancéreux soviétique, le socialisme traditionnel orienté vers la classe ouvrière devait s'effondrer avec lui, laissant le champ au libéralisme, avec sa célébration du changement permanent, du progrès et de son culte de l’individu.

Bien sûr, le socialisme traditionnel était vouée à l'échec. Comme je l'ai dit, c'était un enfant des Lumières et il visait à sortir l'humanité de l'histoire pour la faire rentrer dans une sorte de paradis terrestre. Ce paradis est certainement plus décent – pour utiliser le mot et le concept d'Orwell - que son homologue libéral, mais cela ne veut pas dire qu'il est possible sur une planète finie.

Si la Révolution russe avait échoué, un socialisme décent, du type préconisé Orwell aurait


pu se mettre en place en Europe, avec à la fois des institutions démocratiques et des limites strictes imposées à la logique mercantile. Il aurait quand cherché la croissance, cependant, et et serait entrés en collision, avec des conséquences potentiellement désastreuses, avec les limites des ressources de la Terre.



Marx et Engels n'aimaient pas Malthus, et pas seulement parce que la thèse de Malthus était moralement répugnant – elle l’ai, d’ailleurs. Le socialisme, comme il sied à une idéologie «moderne» comme toujours cherché à libérer l'humanité de sa condition historique, ce qui est impossible tant que les ressources restent rares. Marx, comme de nombreux auteurs de son temps, pensait que le progrès scientifique et technologique, allait faire de la pénurie une chose du passé. Nous savons maintenant que c'était une illusion. Les ressources fossiles, qui ont donné à notre civilisation, une prospérité sans précédent, s'épuisent à un rythme alarmant, et ce n’est qu’une question de temps avant que la quantité d'énergie disponible pour notre société commence à diminuer en termes absolus - c'est probablement déjà le cas pour l'énergie nette.

Notre capacité à maintenir notre société en état de fonctionnement va diminuer au même rythme et à la fin notre civilisation se fragmentera et s’effondrera, ne laissant que des ruines dans la jungle Que cette société soit socialiste, libérale ou anti-capitaliste n’a aucun effet sur ce processus.

À cet égard, les idéologies éco-socialistes qui se développent ici et là, ne sont des tentatives pour sauver les ambitions messianiques du socialisme, l’élément même qui le voue à l'échec. Souvent, elles disent rien de plus que « tout cela est la faute des grands méchants capitalistes » car tout le monde sait que la Corée du Nord est une gigantesque réserve naturelle ainsi que d'un paradis prolétarien.

Cela ne signifie , cependant, pas que le socialisme n'a rien à offrir à l'avenir. Il doit, cependant, sortir du dogme et revenir à ses racines, c'est à dire la révolte morale contre les effets destructeur et déshumanisant de la révolution industrielle, une révolte qui n'était pas si différente de celle des romantiques, même si elle avait un accent différent. C'est l'approche de Orwell, Lasch et Michea, et cette indignation morale restera valable longtemps après que les dogmes socialistes auront été rendus obsolètes par la chute de l'économie industrielle. Cette indignation morale n'est pas seulement un appel à une société décente, mais c’est également cela. C'est le refus de laisser la logique mercantile envahir l'ensemble de la société. Ce n'est pas plus une idée nouvelle que l'appel des romantiques à un monde réenchanté mais le socialisme est la première idéologie à l'exprimer clairement.


Malgré son échec, au moins dans cette civilisation particulière, il laisse un patrimoine à préserver et à transmettre. De même que raison ne devrait pas être autorisé à envahir la totalité de l'espace mental d'une civilisation, la logique mercantile doit rester strictement subordonnée aux valeurs fondamentales de cette civilisation, et notamment ce que Orwell appelait la décence commune, c’est à dire les règles de base, non écrites mais presque universelles que notre espèce a développé pour rendre la vie en société vivable. Cela ne signifie pas, par ailleurs, la suppression de la propriété privée - ce qui est le plus sûr moyen d’arriver à la tyrannie - mais sa subordination aux intérêts et aux valeurs de la communauté.

Si nous parvenons à transmettre ce patrimoine aux civilisations futures à travers les siècles de ténèbres à venir, les efforts de générations de militants, aussi imparfaite et erronée qu'ils aient été, n'auront pas été vains.

Mais bien sûr, ne vous attendez pas à ce que le " parti socialiste " pour joue un rôle dans cela, il est trop occupé à boire du champagne et célébrer " l’avenir " et " l’innovation " .